De nouvelles techniques pour le contrôle aérien

Nicolas Durand   Jean-Marc Alliot




1  Introduction

Le trafic aérien a connu une progression très importante pendant les dernières décennies et toutes les prévisions tendent à montrer que cette croissance ne devrait guère se ralentir dans les prochaines années. De 1986 à 1996, le trafic a connu un accroissement de 66% et on prévoit pour 2006 un accroisssement par rapport à 1996 de l'ordre de 35% à 70% [TM+97].

Dans ces conditions, la congestion du ciel est en passe de devenir le facteur limitant de la croissance du trafic aérien, du moins en Europe, et la pression des compagnies aériennes se fait de plus en plus forte pour que la gestion du trafic soit à la fois plus souple et plus efficace.

Parallèlement, les avions s'équipent de moyens sophistiqués (FMS1 , GPS2 , Data Link) qui devraient permettre, à plus ou moins long terme, de changer radicalement les techniques de contrôle des aéronefs.

C'est dans ce cadre qu'est aujourd'hui posé par les compagnies, suivant en cela le RTCA [cotRbod95], le concept du Free Flight (vol sans contrainte), un concept qui tendrait, sous certaines conditions, à affranchir les avions du contrôle aérien tel qu'il est pratiqué aujourd'hui et permettrait ainsi aux aéronefs de suivre le cheminement de leur choix dans certaines zones de l'espace aérien.

Comme nous allons cependant le voir, le chemin à parcourir est encore long avant la mise en place d'un tel concept.

2  Principes généraux

Le but premier du contrôle du trafic aérien est d'assurer la sécurité des aéronefs. Le but second, d'assurer un écoulement aussi optimal que possible des flux de trafic, en particulier en terme de retards.

Nous allons tout d'abord poser quelques définitions indispensables pour la compréhension du reste de notre exposé :
Route aérienne :
le cheminement d'un avion dans l'espace est une série de segments de droite, reliant des points de report appelés balises. Historiquement, ces balises étaient bien souvent des points équipés de moyens de radionavigation.

Plan de vol :
il contient tous les éléments indicatifs décrivant le vol prévu pour un avion (heure de départ, niveau de vol, route prévue).

Contrôle en route :
il s'agit du contrôle à l'extérieur des zones entourant les aéroports (dans ces dernières, on parle de contrôle d'approche).

Secteurs de contrôle :
l'espace aérien est divisé en secteurs de contrôle. Chaque secteur est confié à un, ou plus souvent deux, contrôleurs, qui ont la charge d'assurer la séparation des aéronefs dans cette portion de l'espace. Le transfert d'un avion d'un secteur à un autre secteur fait l'objet d'une coordination entre les contrôleurs en charge de chacun des deux secteurs.

Séparations :
on définit une distance horizontale exprimée en milles nautiques3  (NM), la séparation horizontale4 , et une distance verticale exprimée en pieds5  (ft) : la séparation verticale6 . On dit que deux avions sont séparés quand la distance qui sépare leurs projections sur un plan horizontal est supérieure à la séparation horizontale OU quand la différence de leurs altitudes est supérieure à la séparation verticale.

Conflit élémentaire :
deux avions sont dits en conflit lorsqu'ils ne sont plus séparés. Si l'on se fixe une durée T, deux avions seront dits en conflit potentiel pendant T, si durant le temps T, ils ont une probabilité non nulle7 d'être en conflit.

Cluster :
un cluster d'avions est une fermeture transitive d'avions en conflits potentiels. Si un avion A est en conflit avec B à l'instant t<T (où T est l'horizon temporel exploré) et B est en conflit avec C à l'instant t+Dt < T alors A, B et C appartiennent au même cluster. Ainsi dans la figure 1, les avions A et B ne sont jamais en conflit mais ils appartiennent au même cluster. Une déviation de C pour éviter B peut lui permettre d'éviter A.




Figure 1: Exemple de cluster.

L'expression conflit à n avions signifie en fait cluster à n avions.

2.1  Améliorer l'écoulement du trafic

Il existe plusieurs approches pour tenter d'améliorer l'écoulement du trafic. Elles se divisent en deux grandes catégories : d'une part, l'amélioration de l'organisation de l'espace aérien et des flux de trafic, d'autre part, l'amélioration du contrôle aérien lui-même.
L'organisation de l'espace et des flux :
on peut tenter tout d'abord d'améliorer la façon dont l'espace est découpé en secteurs. Jusqu'à présent, ce découpage a souvent été fait de façon empirique, et une approche plus scientifique peut permettre d'espérer une amélioration capacitive. Il faut cependant garder en mémoire que (1) le découpage actuel est le résultat d'une longue expérience, et il sera difficile de l'améliorer, et que (2) l'on ne peut augmenter indéfiniment le nombre de secteurs, car lorsque les secteurs deviennent trop petits, la gestion des flux entrant et sortant devient plus couteuse que le contrôle lui-même8 .

On peut également tenter d'améliorer l'écoulement des flux en améliorant les modèles de capacité secteur, en proposant des tarifications du contrôle différentes en fonction des horaires, ou en proposant des routes alternatives aux aéronefs pour décongestionner certaines zones. Enfin, on peut imaginer un changement radical du découpage de l'espace en prévoyant par exemple une zone de type ``Free-Flight'' où le contrôle serait assuré différemment. Toutes ces techniques sont actuellement à l'étude.

Le contrôle aérien :
la principale raison des retards observés aujourd'hui en Europe (et partulièrement en France) est la saturation des secteurs de contrôle ``en route''. Pour tenter d'augmenter la capacité du contrôle en route, de nombreuses solutions sont à l'étude. Les problèmes à traiter sont bien identifiés : il faut savoir prévoir les trajectoires des avions, détecter les conflits, regrouper ces conflits par clusters, donner des manoeuvres simples les résolvant, etc.

Si les problèmes liés à la résolution de conflits aériens sont donc bien identifiés, les techniques à employer le sont moins. Avant de rentrer dans les détails techniques du problème, nous allons nous employer à présenter quelques concepts généraux.

2.2  Prévision de trajectoire et détection de conflits

Avant de songer à résoudre les conflits, il faut d'abord les détecter. Or, la détection de conflits se base avant tout sur une bonne prévision de trajectoires.

La première erreur consisterait à croire que l'on peut considérer les vitesses des avions comme constantes. En France, environ 3 conflits sur 4 comprennent au moins un avion qui est en montée ou en descente ; or, si l'on prend l'exemple d'un airbus A320, il va en dix minutes passer d'une altitude de 1000ft à une altitude de 26000ft, et sa vitesse va passer de 200 a 400kts.

La prévision de trajectoires pourrait donc passer soit par la liaison de données, auquel cas le FMS de l'avion pourrait renvoyer une trajectoire relativement précise ; cependant, cetteprévision resterait tout de même tributaire d'incertitudes externes : si un avion de ligne est capable de suivre précisément une route et une altitude, maîtriser précisément sa vitesse sol n'est pas possible en raison notamment des vents (une quinzaine de noeuds). Il est d'autre part impossible de corriger en permanence la vitesse car les réacteurs ont un régime de consommation idéal dont il ne faut pas trop s'écarter. Enfin, ils ne doivent pas, pour des raisons mécaniques, être soumis à des changements de régime permanents.

Enfin, si il est impossible de recupérer directement les trajectoires calculées par les FMS, on peut recourir à par une simulation de trajectoire faite à partir de modèles pré-établis ; les incertitudes seront alors extrèmement fortes, en raison de nombreuses inconnues (masse de l'avion, consignes compagnie, etc.)

Ainsi, il est à peu près impensable d'espérer dépasser la dizaine de minutes en terme d'horizon temporel pour la prévision de trajectoire.

2.3  Différentes approches pour l'aide à la résolution

On peut grossièrement classer les différentes approches de la façon suivante :
Approche anti-calculatoire :
la première approche consiste à construire un modèle, dit ``cognitif'', du contrôleur, spécialement dans ses modes d'appréhension des paramètres du conflit, et d'utiliser ce modèle dans un calculateur afin de construire des outils de filtrage de l'information et d'assistance électronique au contrôleur. Cette méthode à l'immense avantage d'être facilement intégrable au système de contrôle actuel, car elle s'emploie à changer le moins possible les modes opératoires existants. Elle est cependant sous les feux de deux critiques : d'une part, les limitations maintenant bien connues propres aux approches dites ``expertes'' ou ``cognitives'' : coût très élevé de développement et de maintenance, problème de généralisation des maquettes au cas général, dégradation brutale de l'expertise aux limites du domaine, faillibilité du système expert ([Dre79, Fox90]) ; d'autre part, laissant l'homme totalement en charge de toutes les décisions, elle se contentera de repousser le ``mur de la capacité [Vil87]'' dont nous parlions plus haut, sans faire disparaitre les causes fondamentales de son existence. Il s'agit donc d'une approche essentiellement court ou moyen terme.
Automatisation centralisée complète :
il existe maintenant des débuts de preuves montrant que la réalisation d'un système automatisé de contrôle n'est pas une pure chimère. Dans une telle hypothèse, un système central gère l'ensemble des avions présents dans l'espace, et leur donne les ordres de contrôle nécessaires à la résolution des conflits. Cette approche a été abordée pour la première fois par le projet AERA-III [Cel90, SPSS83, NFC+83, Nie89b, Nie89a, PA91] aux Etats-Unis, ou plus récemment le projet ARC-2000 [K+89, FMT93, MG94] du Centre Expérimental Eurocontrol. Le grand avantage de cette méthode est qu'elle permet d'augmenter de façon considérable la capacité de l'espace, la fluidité de l'écoulement du trafic et permet de garantir l'optimalité globale des solutions obtenues. Le principal problème est la transition vers un tel système depuis le système actuel. Il ne peut donc s'agir que d'une approche long ou très long terme.

Délégation de tâches :
dans ce cas, l'on tente de réaliser un partage dynamique des tâches entre l'homme et la machine au sein d'un même secteur de contrôle ; l'ordinateur prendrait en charge certains conflits et laisserait l'homme en charge du trafic restant. Cette méthode pourrait être intéressante à moyen terme : elle devrait permettre de soulager l'opérateur en cas de pointe de trafic tout en maintenant sa vigilance et ses qualifications. L'inconvénient majeur est qu'elle suppose une totale confiance de l'homme envers le calculateur, et envers la répartition de trafic et les résolutions qu'il exécute. Trop peu d'expérimentations ont été menées jusqu'ici pour pouvoir conclure.

Approche autonome :
dans ce type d'approche, on suppose que les avions se trouvant dans une certaine zone de l'espace (par exemple au dessus de 32000 ft) utilisent des senseurs et des algorithmes embarqués pour réaliser eux-mêmes la détection et la résolution de conflits. Déjà examinée dans le cadre du projet ATLAS [DA93], le Centre Expérimental d'Eurocontrol travaille dans le cadre du projet Free-R à la définition d'algorithmes pouvant permettre la réalisation de ce type de système ; les documents éfinissant les diverses stratégies R&D font d'ailleurs une place importante à ce type de méthodes. Son principal avantage est sa relative compatibilité avec le système actuel : sa mise en place pourrait se faire progressivement par une tactique d'encerclement (en commençant par les espaces trans-océaniques, et les espace supérieurs). D'autre part, elle permettrait de donner aux avions les trajectoires directes origine-destination qu'ils demandent à l'intérieur de ces zones ``libres''. Il subsiste cependant de nombreux problèmes : d'une part, chaque avion n'a qu'une vision limitée du monde qui l'entoure ; il est donc parfaitement susceptible de choisir des manoeuvres d'évitement à court terme qui peuvent se révéler désastreuses sur le long terme, soit en terme de sécurité, soit en terme d'efficacité ; il n'existe encore aujourd'hui aucun algorithme ayant prouvé son efficacité sur des échantillons de trafic réel. Enfin, les problèmes d'interface entre les zones ``libres'' et les zones controlées ont été peu abordés.

Notons enfin que ce type d'approche est parfois confondu avec l'ACAS (Airborne Collision Avoidance System) ; ceci mérite une petite précision. L'ACAS, (et particulièrement son implantation actuelle à bord des avions : le TCAS [TCA90]), est un système embarqué conçue pour faire de l'évitement à très court terme (de l'ordre de la minute). Il s'agit avant tout d'un système de dernier secours pour éviter des collisions, et non d'un moyen de contrôle ou de maintien de séparation.
En fait, le dilemme dans lequel nous nous trouvons enfermés est un peu le suivant : les outils capacitifs sont difficilement intégrables dans le système actuel, et les outils facilement intégrables risquent fort d'être peu capacitifs.

3  La résolution de conflits

3.1  Complexité théorique

Résoudre un conflit impliquant n avions consiste dans le meilleur des cas à assurer les séparations en donnant aux avions des ordres de manoeuvre, tout en minimisant les allongements de trajectoire liés aux déviations induites.

La difficulté du problème est assez facile à appréhender. Pour un conflit à deux avions dans le plan horizontal, l'espace des solutions admissibles comprend deux composantes connexes (à condition que les avions ne fassent pas de boucles): soit l'avion 1 passe devant l'avion 2, soit il passe derrière. Un cluster à n avions, contient n× (n-1)/ 2 paires d'avions. Le nombre théorique de composantes connexes est alors de 2\fracn× (n-1)2. Ceci explique l'échec des méthodes d'optimisation locale sur ce type problème.

Des tentatives d'évaluation de la complexité théorique ont été faites. Il semble probable qu'il s'agit d'un problème NP-complet, une classe de problèmes n'admettant aujourd'hui aucun algorithme polynomial les résolvant.

3.2  Modèle de manoeuvres et d'incertitude

Les manoeuvres données aux avions doivent être facilement compréhensibles et exécutables par les pilotes. On peut dans le cadre d'une modélisation relativement simple, se limiter à la typologie suivante : Pour tenir compte des incertitudes sur les vitesses, on peut modéliser les avions non par des points matériels mais par des polygones convexes. La taille des polygones augmente dans la direction de la vitesse. On passe ainsi d'un point à t=0 à un segment, puis à un parallèlogramme, puis à un hexagone, etc. Il suffit alors de vérifier, pour que la contrainte horizontale soit respectée, que les convexes qui modélisent les avions soient séparés par la séparation standard (voir figure 2).



Figure 2: Modèles de manoeuvre et d'incertitude.

Dans le plan vertical, l'incertitude est beaucoup plus forte, on maîtrise très mal le taux de montée d'un avion qui dépend de paramètres aussi variés que la masse, ou la mise en route de la climatisation. En conséquence, le même principe que dans le plan horizontal est repris mais les incertitudes sont beaucoup plus grandes. On comprend mieux, en regardant la figure 2, l'importance de la qualité de la prévision : les convexes contenant l'enveloppe des positions possibles croissent rapidement, et si les incertitudes sont trop fortes, le nombre d'avions en conflits potentiels devient en quelques minutes très, voire trop, important. D'autre part, une mauvaise prévision peut amener à résoudre des conflits qui n'auraient en fait pas lieu ; Enfin, l'instant de début de manoeuvre est complètement dépendant de la qualité de la prévision et son choix en est rendu particulièrement difficile.

3.3  Techniques de résolution

On peut trouver plusieurs approches pour aborder le problème de résolution de conflits.

N. Durand [Dur96] traite le problème comme un problème de commande optimale, F. Médioni [MDA94] propose un modèle permettant de le transformer en problème linéaire, celui-ci demeurant fortement combinatoire. E. Féron [OSF97] propose d'utiliser la programmation quadratique, la combinatoire se reportant sur le nombre de variables à utiliser. Toutes ces techniques considèrent le problème comme global.

Un autre approche consiste à considérer le problème des conflits à n avions comme un problème séparable : des méthodes d'optimisation sont appliquées successivement sur chacun des avions impliqués ; il s'agit alors de résoudre n problèmes relativement simples et non un seul problème de grande taille, ceci au détriment de la qualité des solutions.

Enfin, une dernière méthode tend à employer des techniques de type réactif : dans ce cas, la notion d'optimalité disparait complètement et l'on ne retient que l'admissibilité des trajectoires.

Nous allons rapidement présenter quelques exemples de ces différentes approches.

3.4  Un exemple de méthode globale de résolution

Si l'on dispose de toutes les informations concernant l'ensemble des avions, et que l'on peut agir à sa guise sur un avion plutôt que l'autre, le problème de la résolution de conflits est un problème d'optimisation globale : pour un conflit à n avion, et suivant la modélisation présentée ci-dessus, il s'agit d'optimiser 3  n variables correspondant aux t0, t1 et s de chaque avion.

Pour un élément composé de 3  n variables, la fonction d'évaluation à optimiser simule les trajectoires (avec incertitudes) sur T minutes à venir, mesure les conflits et s'il n'y a pas de conflit, prend en compte le retard dû aux manoeuvres, la durée des manoeuvres et le nombre total de manoeuvres. Une solution sans conflit est toujours préférée à une solution avec conflit. On minimisera le nombre de manoeuvres pour limiter le travail des pilotes, la durée des manoeuvres pour libérer les avions le plus tôt possible pour une éventuelle autre manoeuvre.

Il existe de nombreuses méthodes d'optimisation globale susceptibles d'être appliquées à ce problème : branch and bound par intervalles, algorithmes A*, recuit simulé, etc... Parmi les différentes méthodes, les algorithmes génétiques9 ont la particularité de ne pas requérir d'hypothèse sur la fonction à optimiser (qui peut être le résultat d'une simulation), et de pouvoir fournir en un temps donné plusieurs solutions proches de l'optimum. Par ailleurs, parmi les algorithmes que nous avons testé seules les méthodes génétiques permettent de prendre en compte des conflits de grande taille pouvant aller jusqu'à une trentaine d'avions [DA96].

L'architecture générale de l'algorithme est la suivante (figure 3) :



Figure 3: Architecture générale

Cet algorithme a été testé sur du trafic réel dans le cadre de simulations [DA97]. Pour une journée comprenant 6388 vols, et en prenant une incertitude de +/-5% dans le plan horizontal et +/- 10% dans le plan vertical, l'algorithme résoud tous les conflits (1694) qui se présentent au dessus de 10000 pieds. Le retard moyen lié aux manoeuvres sur l'ensemble des avions est de 5 secondes, et le retard maximal inférieur à 4 minutes.

3.5  Méthode ``diviser pour régner''

Dans ce cadre, pour un problème à n avions, on cherche à résoudre successsivement n problèmes à trois variables, plutôt qu'un seul problème à 3n variables.

Dans un premier temps, on choisit une priorité entre les n avions pour savoir dans quel ordre ils vont construire leur trajectoire, puis chacun d'entre eux construit la dite trajectoire en prenant comme contraintes les avions déjà présents au moment où il résout. On peut employer là aussi diverses méthodes pour fabriquer les trajectoires [AD97, MDA98]. Le problème est relativement classique en robotique, et des méthodes relativement élémentaires comme les algorithmes A* peuvent en venir aisément à bout dans des temps raisonnables.

On peut voir sur la droite de la figure 4 un tel exemple de résolution.



Figure 4: Exemple de résolution

Le dernier avion est largement pénalisé par rapport aux autres. D'autre part, si l'on compare cette solution à celle obtenue par la méthode globale (à gauche de la figure), on constate qu'il est possible de trouver une solution de bonne qualité pour tous les avions et qui n'en pénalisent gravement aucun.

En fait, cette méthode peut même ne trouver aucune solution admissible, alors que la méthode globale en trouvera plusieurs. Ainsi, dans le simple cadre d'un conflit à trois avions, l'algorithme échouera si les angles de convergence sont faibles et si, de plus, les priorités au point de passage sont mal choisies. Le problème se trouve ainsi en partie reportée sur le choix de l'ordre de résolution, ce qui est loin d'être simple.

3.6  Méthodes réactives

Le document le plus intéressant est certainement [Zeg94]. Il introduit la notion de coordination d'actions grâce à différentes forces qui s'exercent sur les agents, dans notre cas les avions. La méthode, initialement développée dans le domaine de la robotique ([Kha86]), se base sur l'analogie physique d'une charge dans un champ de potentiel. Pour l'évitement, le potentiel est une mesure du risque de collision. On définit ainsi trois types de forces qui devront agir suivant l'urgence :



Figure 5: Force répulsive et force glissante, forces de glissement coordonnées

Pour traiter les conflits à plus de deux avions, on additionne les forces relatives à chaque avion, conformément au modèle physique (addition des potentiels). Si les résultats pratiques sont bons pour de faibles densités, les expériences menées dans le cadre de fortes densités semblent montrer un effondrement rapide du système qui en vient à générer plus de conflits qu'il n'en résout. Ceci est lié à la méconnaissance des intentions des avions ainsi qu'à la visibilité limité de l'environnement ; différentes améliorations permettent de pallier partiellement ces problèmes, sans toutefois parvenir à les résoudre [Bos97].

4  Conclusion

Au terme de ce rapide survol, il faut avant tout signaler que la recherche dans le domaine du trafic aérien est une activité extrèmement récente. Les techniques présentées ici ont besoin d'être soumises à l'épreuve du monde opérationnel pour être validées.

Pourtant, il semble que les bonnes questions commencent à être posées ; l'augmentation du trafic et les contraintes économiques rendront nécessaires une sérieuse évolution des techniques de gestion du trafic aérien. Certaines réponses scientifiquement etayées commencent à être apportées aux problèmes posés ; il faut cependant se rappeler que la valeur technique d'une solution ne sera pas le seul critère intervenant dans les choix qui seront faits dans les années à venir : d'autres facteurs comme l'acceptabilité ou la facilité de transition seront certainement plus déterminants.

References

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[Bos97]
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[cotRbod95]
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[Vil87]
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[Zeg94]
Karim Zeghal. Vers une théorie de la coordination d'actions, application à la navigation aérienne. Thèse de doctorat, Universite Paris VI, 1994.

1
Flight Management System
2
Global Positionning System
3
1 mille nautique vaut 1852 m (1 minute d'rc sur un méridien).
4
Elle est de 8 NM en France mais devrait bientôt descendre à 5 NM.
5
1 pied vaut 30,48 cm.
6
Elle vaut 1000 ft au dessous du FL 290 et 2000 au dessus.
7
Il ne peut y avoir de certitude lorsque l'on ait de la prévision de trajectoires, les avions étant soumis à de nombreux facteurs non complètement connus, comme le vent, par exemple.
8
On estime généralement que la charge de travail est proportionnelle au nombre d'avions dans le secteur, aux flux entrant et sortant, et au nombre de conflits qui se produisent dans le secteur. Le modèle théorique montre que le nombre de conflits devrait varier avec le carré du nombre d'avions. Les simulations montrent en fait qu'il croit beaucoup plus rapidement, en raison de l'organisation du trafic réel, ce qui ne manque pas d'inquiéter.
9
Les algorithmes génétiques sont des algorithmes d'optimisation s'appuyant sur des techniques dérivées de la génétique et de l'évolution naturelle : croisements, mutations, sélection, etc. Ils ont déjà une histoire relativement ancienne puisque les premiers travaux de John Holland sur les systèmes adaptatifs remontent à 1962 [Hol62].

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